SUR LA PISTE DES HUMANITES PERDUES II - LES HOMMES ET LA FAIM



Les hommes et la faim (2)

SUR LA PISTE DES HUMANITES PERDUES
Texte et dessins de Michel de ROISIN
L'HOMME ET LA FAIM (2)

A L'ÈRE DES « MANGEURS D'HERBE » SUCCÈDE CELLE DES CHASSEURS !

Durant des centaines de millénaires, nos ancêtres de la Préhistoire ne connurent que la plus misérable des nourritures : racines, herbes plus ou moins comestibles, champignons, oeufs, petits d'animaux surpris au bercail ou au nid, cadavres trouvés au hasard des longues marches errantes... Quand l'Homme commença de façonner le bois et le silex, c'est-à-dire lorsqu'il entra dans le premier âge industriel, sa condition changea : de l'état ordinaire de ramasseur d'herbe, il passa peu à peu à celui de chasseur. Par l'invention de pièges de plus en plus ingénieux, d'armes de plus en plus efficaces, il devint bientôt le rival des fauves les plus redoutables, dont il exploita au maximum les ressources diverses : chair, os, tendons, peau, fourrure, graisse. Ainsi, dès l'origine de cette période très ancienne dite « Paléolithique inférieur » (moins un million d'années environ), la lutte contre la faim entra-t-elle dans une 'phase nouvelle et moins hasardeuse.
Mammouth tombant dans une fosse

LA CHASSE, BASE VÉNÉRABLE DE LA CIVILISATION

En leur âge le plus primitif, sans armes ni grandes ressources intellectuelles, nos lointains ancêtres ne pouvaient prétendre affronter des géants tels que l'Eléphant méridional, plus haut que le Mammouth, ni même tels que le fameux Rhinocéros de Merck, dont le cuir présentaît la dureté du bronze. Quant aux autres animaux, tous montraient des qualités si formidables - souplesse, vélocité, force - comparées à la misère physique de l'Homme, que la moindre tentative de chasse n'eut été qu'une dérisoire entreprise !
L'acquisition d'un matériel s'avérait donc, avant tout, nécessaire.
L'élaboration des éléments initiaux de celui-ci exigea une durée incroyablement longue - peut-être deux millions d'années - car, avant de façonner des objets, il fallait imaginer des techniques de fabrication, c'est-à-dire, d'abord, les cinq MOUVEMENTS INDUSTRIELS FONDAMENTAUX, dont il a été question au cours de précédents articles.
Avec l'apparition des premiers silex martelés en espèces de couteaux ou de racloirs (bifaces et éclats), des premiers bois taillés, les modalités de vie changèrent sensiblement.
Par leur travail artisanal, en effet, nos ancêtres augmentèrent vite leur potentiel d'intelligence et, l'ingéniosité suppléant à la misère physique, ils conçurent peu à peu des dispositifs, des organisations d'ordre social, de nature à leur permettre d'affronter toute espèce de fauve, fût-il le plus grand, le plus rapide, le plus fort, le plus féroce.
Ainsi, l'ère des grandes chasses venait de s'ouvrir !
Les dispositifs inventés par nos vénérables aïeux se concrétisèrent bien sûr, en premier lieu, par des pièges divers : il y en eut vraiment de toutes sortes, certains même encore utilisés de nos jours ! Puisqu'il était impossible, par exemple, d'affronter le Mammouth, le mieux n'était-il pas de l'attirer vers une fosse dissimulée par des branchages ? Une fois l'animal dans le trou, il devenait facile de le traiter à loisir, l'assommant à coups de roches ou le transperçant, par jets d'épieux, en ses parties vulnérables. Un perfectionnement de la fosse consistait à hérisser le fond de piquets acéré dûment empalée, la proie ne tardait pas à rendre l'ultime soupir, d'où appréciable simplification du travail.
D'autres pièges (voir les parois des grottes de Combarelles et de Font-de-Gaume), d'un ingénieux mécanisme, libéraient un poids qui, au moment opportun, écrasait le fauve ! D'autres encore, par le moyen d'une porte-vanne « automatiquement » fermée, emprisonnaient l'animal dans une cage. D'autres enfin, contenant un lasso, étranglaient proprement la bête imprudente ! En fait, très féconde s'avérait l'imagination de nos lointains ancêtres, et il serait vain de prétendre énumérer ici tous leurs systèmes piégeages.

Organiser la chasse, c'est aussi organiser la société

L'Homme préhistorique - est-il besoin de le préciser ? - ne chassait pas pour le plaisir ! La chasse ne représentait à ses yeux qu'une impérieuse, une amère nécessité ! Il fallait tuer des animaux... ou se contenter d'herbes et de racines ! Trouver de la viande - et de la moins détestable ! - constituait le souci principal de la tribu. « La chasse, a écrit Kurt Iindner, représentait au Paléolithique et au Mésolithique la base de l'alimentation et devait donc influencer la structure des civilisations de cette époque. » (Kurt Lindner: La Chasse préhistorique, p. 24 - Payot, 1950).
En fait, l'organisation sociale de la tribu émanait tout entière de l'unique pensée de la chasse. Au Conseil des Anciens, sans doute, discutait-on de la meilleure manière de rabattre le gibier : les uns avaient pour tâche de lever la proie, les autres de guider sa fuite vers les pièges, les autres encore de tuer, à coups de hache, d'épieu ou de gourdin. Chacun, vraisemblablement, selon ses aptitudes, recevait son « ordre de mission ». Il y eut peut-être aussi, à l'intérieur de la tribu, des groupes - nous dirions des « confréries » - spécialisés dans tel ou tel genre de chasse.
Quoi qu'il en soit, la chasse constituait, pour l'Homme préhistorique, le plus solide des liens sociaux, le plus puissant des motifs de solidarité. De celle-ci résultait un bienfait considérable pour l'esprit car, sollicité sans cesse, pour trouver des moyens plus efficaces et plus rapides, il ne pouvait que s'enrichir et s'affiner, progressant ainsi à grands pas sur la route de l'intelligence.

FABRIQUER DE BONNES ARMES: PRÉOCCUPATION ANCIENNE !

Dès son apparition, pour pallier sa faiblesse, l'Homme s'inquiéta d'élaborer des armes. Sur l'évolution des techniques, Kiwi Lindner, déjà cité, nous donne d'intéressantes précisions : « Il n'est pas impossible, a écrit l'auteur, que la technique la plus grossière de la pierre ait été précédée d'une véritable civilisation du bois. Il est en tout cas indubitable que les Hominidés ont appris très tôt à apprêter des armes de jet, des épieux et des piques de bois, c'est-à-dire à les appointir après leur avoir fait subir l'action du feu. Il est facile de prouver qu'il est possible de munir des épieux d'une pointe respectable au moyen des outils de pierre les plus anciens et les plus imparfaits. On doit ensuite admettre que précisément ces coups-de-poing et ces éclats, dont on avait si souvent soupçonné l'utilisation pour la chasse, n'avaient pas d'importance comme armes offensives, et qu'ils servaient principalement d'outils pour la fabrication des véritables engins de chasse. Le perfectionnement manifeste des outils servant à la préparation du bois au Paléolithique inférieur aura été vraisemblablement accompagné d'une amélioration des armes de bois, qui devenaient plus importantes pour la chasse. Ce développement de la technique des armes se laisse nettement poursuivre au Paléolithique supérieur ; l'Homme a alors appris à adapter des pointes d'os ou de corne et à augmenter ainsi la force de péné(ration de ses armes de jet, et il a aussi suffisamment perfectionné sa technique de la pierre pour fabriquer des pointes de flèche et de lance qui, au contraire des outils de pierre du Paléolithique inférieur, entrent en ligne de compte comme arme de jet. » (1).

QUELQUES ARMES ET OUTILS DE CHASSEURS

Silex tailles.jpg
1. Ce silex taillé en forme d'amande, dit « biface », jadis appelé, on ne sait trop pourquoi. « coup de poing », servait vraisemblablement de racloir et de perçoir pour les peaux. On supposa aussi qu'on utilisait ce genre d'instrument pour travailler le bois. en particulier, pour racler, raboter les branches droites destinées à devenir des pieux.
2. Le même silex de profil. La qualité du travail, la minceur relative de ce profil, permet de dater l'instrument d'une époque assez avancée du Paléolithique inférieur (industrie dite « acheuléenne », de Saint-Acheul, localité près de laquelle ont été exhumées de nombreuses pierres de ce type).
3. Silex taillé de l'époqie néolithique, dit « livre-de-beurre », en raison de sa forme. Ce genre de pierre abonde au Grand Pressigry (Indre-et-Loir) surtout dans les champs. La longueur d'un tel instrument dépassait parfois 20 centimètres.
4. Pointe de flèche néolithique.
5. Pointe de flèche bifide (Néolithique). La pointe (ici fort usée) se situe en P. Dans l'échancrure T (talon) s'encastrait la hampe de la flèche.

UN DERNIER MOT...

Concluons en disant que, si la chasse contribua beaucoup au résultat, dans la lutte contre la famine, elle ne put réussir à la vaincre l'ombre effrayante continua d'obscurcir le monde. D'autres ressources devaient absolument être trouvées : nos ancêtres, nous le verrons - bientôt, s'y employèrent avec énergie, apportant ainsi une pierre nouvelle à l'immense édifice du Progrès

Michel de ROISIN


(1) : Kurt Lindner, La Chasse préhistorique, p. 35, Payot, 1950.

UN MILLION D'ANNÉES (ENVIRON) AVANT NOTRE ÈRE, GRÂCE AUX PREMIERS PROGRÈS DE LEUR INDUSTRIE, NOS ANCÊTRES DE LA PRÉHISTOIRE DEVIENNENT DES CHASSEURS !

Nos ancêtres de la préhistoire n'aimaient pas le risque...
..aussi préféraient-ils, à tout procédé de chasse, la méthode du piégeage !
Durant deux millions d'années peut-être, par faiblesse de moyens, nos lointains pères s'étaient contentés de manger des herbes ou des racines. Lorsque furent inventés les cinq mouvements industriels fondamentaux, leur sort changea : de végétariens formés, il devinrent chasseurs. Leurs repas s'améliorèrent et, si la famine ne fut point terrassée, du moins ne compromit-elle plus la destinée de notre espèce !
Nos lointains pères ne chassaient pas pour le plaisir. C'est pourquoi ils s'ingéniaient à éviter tout risque superflu. Pas question pour eux (dommage pour le folklore ) d'attaquer le Mammouth ou le Rhinocéros à l'épieu ! Nos ancétres recouraient surtout aux pièges..
Fosse.jpgPiège à poids
Le plus banal consistait en une simple fosse couverte de branchages. Le plus souvent, le fond de la fosse se hérissait de piquets acérés, où venait s:'empaler la proi (dessin supérieur).
La figure inférieure représente un djspositiî souvent reproduit par la gravure préhistonque : le piège à poids. L'appât (A) est disposé sur un bâton horizontal qui soutient un tai vertical (B). En tirant sur l'appât, la proie déplace l'étai et les mandriers s'effondrent sur l'animal qui est assommé !



Retour




Fosse
Fosse.jpg
Mammouth tombant dans une fosse
Mammouth tombant dans une fosse.jpg
Piege a poids
Piege a poids.jpg
Silex tailles
Silex tailles.jpg
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (01)
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (01).jpg
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (02)
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (02).jpg
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (03)
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (03).jpg
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (04)
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (04).jpg
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (08)
Sur la piste des humanites perdues II - Les hommes et la faim (08).jpg

Retour